Récit de week-end un peu arrangé 3 –Rose
J’adore ma robe rouge.
Je l’ai achetée pour être présentable au baptême de ma filleule, Jersey. C’était un moment important pour moi (et pour elle) ! Alors, j’ai osé le rouge !
Maintenant que je l’ai, je la porte. Je guette le soleil et je l’enfile dès que je peux.
J’adore ma robe rouge.
Ce matin, c’est mercredi. Je passe du temps avec Vilnius et Santiago. C’est un peu moins la course que d’habitude. On traîne en pyjama, on prend notre temps…
Je lance une machine avant d’aller jouer au Mistigri avec Santiago et de dessiner avec Vilnius.
Minsk l’avait préparée. Le linge était déjà dans le tambour. J’apprécie le coup de main.
La machine tourne pendant que nous jouons.
On s’amuse bien.
J’ai perdu deux fois au Mistigri. Une fois volontairement parce que je me souviens de la dernière séance. Santiago a mis quelques jours à se remettre de sa défaite. Il a eu du chagrin pendant trois jours. Ça m’embête de remettre ça. La deuxième fois par contre, c’est une vraie victoire !
Un de ces quatre, je retenterai de jouer la gagne ! Un jour, il saura apprécier les défis. Mon petit doigt me dit quand même que ce n’est pas pour demain…
Je dessine ensuite avec Vilnius. J’admire son coup de crayon. Il m’impressionne mon petit artiste.
Le temps passe trop vite. La machine est déjà prête.
J’ouvre.
J’étouffe un cri dans une serviette de bain prise à la volée.
Au beau milieu de cette machine trônait ma robe rouge, celle qui est d’une couleur éclatante, celle qu’il faut laver à part.
Je retiens mes larmes et je sors les vestiges de ce drame un à un.
La veille, je venais de recevoir les nouveaux masques fournis par mon employeur. J’étais satisfaite car, pour une fois, ils étaient convenables. La première fois que j’en avais reçus, ils étaient trop épais, un peu comme une couche. J’ai failli mourir en en portant un le temps d’une matinée. La deuxième fois, ils étaient réservés aux adolescents. Je le sais parce que ma copine Funafuti travaille à la pharmacie. Ils vendent les mêmes aux ados. Ils ont une marque bien distinctive, une petite couture bleue. Bref, ces masques m’écrasaient le nez comme une patate. Le soir, il ne reprenait sa forme normale qu’après deux heures passé à l’air libre. La troisième fois était la bonne. J’avais enfin des masques légers, de fabrication française, à ma taille. En plus, quelle générosité, j’en avais douze !
Je pleure. Mes masques sont roses. Rose pâle, pas celui que je préfère…
Vilnius, empathique, vient voir ce qui se passe. Il sent que quelque chose ne tourne pas rond. Je lui explique et lui annonce que ses masques sont roses, eux aussi. Il se met en colère et part respirer un bon bol d’air.
Il refuse catégoriquement de porter du rose. Ça lui va pourtant bien au teint.
On respire tous les deux. On est synchros. Ce qui est fait est fait. Tant pis. On assumera. Tout cela partait d’une bonne intention…
Je n’en veux pas à Minsk.
Tous les matins, j’éprouve tout de même de la satisfaction lorsqu’il enfile ses chaussettes roses…