Ce matin, Santiago s’est réveillé aux aurores.
À peine avait-il ouvert l’œil qu’il était déchaîné -poussée dentaire-.
Vilnius a suivi 10 secondes plus tard.
Une minute après, j’étais en short, Santiago dans la voiture pour la promenade matinale vers la boulangerie.
Petit plaisir de vacances : la baguette fraîche.
Santiago n’émet pas un son durant le trajet. Il sait que je sais qu’il sait qu’il a abusé au réveil.
Je trouve une place, pas évident dans la grande station balnéaire où nous passons quelques jours.
Un créneau s’offre à moi. Je saisis l’opportunité. Un premier échec me prouvera que le réveil n’a pas été adéquat.
Le deuxième essai, la réussite, nous mènera à la boulangerie : la Mie Cabine (évitons de citer des enseignes, s’il vous plaît).
Santiago et moi pénétrons dans la pièce humant le pain frais.
Des yeux noirs nous feront faire demi-tour et nous comprenons que nous sommes entrés par la sortie.
Nous faisons la queue, patiemment.
Santiago ne dit toujours rien. Il sait que je sais qu’il sait qu’il a abusé ce matin.
J’observe. La serveuse n’a pas le sourire facile.
Je crois qu’elle est blasée et les cernes qui la marquent me laissent penser qu’elle est fatiguée et qu’elle envie tous les clients qui se promènent avec leur sac de plage dans sa boulangerie.
La bonne odeur de pain frais ne lui fait ni chaud ni froid, à elle. Elle reste de marbre.
Un bel homme semblant travailler en poissonnerie eu égard aux bottes qu’il a chaussées lui sourit à pleines dents.
La serveuse se détend. Le jeune homme, qui porterait bien le nom de Julien que je ne serais pas étonnée- vous aussi , vous trouvez que certaines personnes ont des profils à prénoms prédéfinis ?-, lui commande un café.
Il lui commande un sourire aussi. Elle lui offre volontiers.
Alors qu’il tend la carte du magasin pour bénéficier de réductions, il lui donne son 06.
Mon fils, Santiago, assiste, malgré lui, à sa première leçon de séduction en direct.
La serveuse conserve son sourire pour lancer « A bientôt » à son admirateur.
Ce dernier s’échappe.
Le sourire de la serveuse s’affaisse lorsque vient notre tour.
-Une tradition, s’il vous plaît ! dis-je.
-Une tradition ? véritable ou Mie Cabine ? Me lance-t-elle avec une voix mi-rocailleuse , mi-caverneuse.
Je panique. Parce que je n’ai pas bien compris la différence entre les deux. Je tente :
-Véritable ?
Son regard m’effraie plus intensément. J’ai dû me tromper de bonne réponse… J’ose :
-Quelle est la différence ?
-LE LEVAIN ! gronde-t-elle, mon ignorance l’agaçant au plus haut point.
Je tends la monnaie la tête basse. J’attrape la main de Santiago. Ses yeux changent. Je le sens charmeur. Il demande :
-Un sourire, s’il vous plaît !
Ça fonctionne ! Elle sourit !!
Voyant que son jeu précis a touché sa cible, il ajoute :
-06 78 85 63 21
Je rêve ! Je suis choquée mais intérieurement sereine. Mon fils mémorise vite. Il est prêt pour le CP !